Nadia Xerri-L.
Crédits photos © Pierre Grosbois
résumé
Les trois minutes de silence avant l’ouverture d’un procès aux Assises.
Alex va être jugé pour meurtre « gratuit » commis après un soir trop arrosé dans un bar. Rémi est le mort. Son frère jumeau, Germain est venu…
pourquoi ?
incipit
notes de mise en scène
distribution
partenaires
revue de presse
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C’est la mise en écho de son expérience en milieu carcéral durant de nombreuses années (ateliers d’écriture et théâtre) et d’un procès retranscrit dans Ouest-France en 2007 qui a déclenché l’écriture de NX-L.
Ce procès d’une affaire de meurtre apparemment « banal » était marquant car le jeune homme jugé, à chacune de ses prises de parole, ne faisait que dire « ce n’est pas mon histoire », alors que des preuves irréfutables le culpabilisaient.
C’est cette difficulté humaine à se responsabiliser de ses actes (souvent rencontrée en milieu carcéral), en même temps que la réalité de responsabilités multiples derrière une culpabilité, ainsi que la bascule si vite arrivée de la vie dite normale au fait-divers qui ont tramé le passage à l’acte de cette pièce.
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Petite Amie :
Ce n’est pas parce qu’on travaille avec eux – qui ont fait ce qu’ils ont fait – qu’on fait semblant de croire qu’ils n’ont pas fait ce qu’ils ont fait !
Mais parfois, c’est vrai, on oublie – force du quotidien.
Et parfois même, quand on est là-bas, à la Maison d’Arrêt, on oublie qu’on est là-bas. On en connait tellement tous les bruits, toutes les odeurs, les tensions, que plus rien ne nous rappelle à l’ordre du réel – que, oui, on est là-bas.
Et à ces moments-là, sûrement, on évanouit même ce qu’ils ont fait à leurs victimes. On l’échappe. Parce qu’à dire vrai les détenus (en tout cas la plupart) si on les voyait en dehors on ne devinerait pas, on ne saurait pas.
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Assumer l’aspect « oratorio » de cette pièce. Un plan fortement incliné noir, traversé d’un banc et entouré d’une passerelle, prend tout le plateau. Les sept comédiens y évoluent (en stations immobiles se succédant les unes aux autres), sans presque de regard aux autres, mais face au public car face à eux-mêmes.
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Jeu :
Anthony Breurec
Flora Brunier
Raphaël Leguillon
Jean-Jacques Simonian
Arnaud Stéphan
Virginie Volman
Laure Wolf
Scénographie : Caroline Foulonneau
Lumière : Manuel Desfeux
Régie : Simon Fritschi
Assistanat à la mise en scène :
Camille Muret
Collaboration artistique :
Elie Jorand et Jean-Louis Fournier
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Théâtre de la Ville
La Comédie de Reims
Théâtre de L’Agora (scène nationale d’Evry et de l’Essonne)
Théâtre Brétigny
ARCADI
DRAC Ile de France (aide à la production dramatique)
Soutien du Grand T (Nantes)
et du Théâtre National de Bretagne.
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SEMAINE DU 19 AU 25 NOVEMBRE 2008
Le choix de la semaine
Alex, 26 ans, est accusé d’un meurtre au couteau à la sortie d’un bar. Depuis son arrestation, il répète : Ce n’est pas mon histoire. » L’écart entre ses mots et son acte, Nadia Xerri-L. l’explore à travers les questions, les doutes, les souvenirs de sept personnages : l’accusé, ses proches, une chanteuse sexy, le frère jumeau de la victime. Se dessine alors un portrait d’un fils rebelle, né et très bien élevé dans un milieu populaire, peu à peu amené à assumer sa sortie de route, sa « haine des rails ». Tous, dans une proximité angoissante, attendent le début du procès. L’écriture musicale, charnelle, au rythme syncopé, avec des pulsions de violence entre les mots, fait advenir des êtres de chair comme sortis d’une photo noir et blanc. La mise en scène est sous haute pression, les sept comédiens ont une présence retenue et intense.
Nadia Xerri-L. crée Couteau de nuit, représentation du jugement d’un crime passionnel tiré d’un fait divers. Sur scène, une petite communauté, que surplombe une jeune femme, celle qui fut le motif même du coup de couteau fatal.
Un petit joyau de théâtre qui brille au fond d’un puits noir, au théâtre des Abbesses. Dans Couteau de nuit, un texte qu’elle écrit, dirige et met en scène avec une maîtrise impressionnante, Nadia Xerri-L. s’empare d’un fait divers lu dans le journal. (…) Elle suit l’affaire, jour après jour, et le jour où elle se boucle, dans l’espace de la justice, en quelques heures, elle lui donne une autre vie, dans l’espace du théâtre. Tous les protagonistes sont convoqués, pour une autre « tribune », celle de la fiction : avec les corps du théâtre, redonner à ces silhouettes fracassées par le destin une autre vie, un souffle qui plonge dans les profondeurs des âmes. L’écriture chorale leur donne la parole, sans retenue, quelques minutes avant que ne s’ouvre le procès réel. Un théâtre rare, à découvrir toutes affaires cessantes. (…)
Elle dit des mots très anciens, même s’ils portent sur une histoire très actuelle, ordinaire, de celles qui fourmillent dans la rubrique des faits divers. Sa manière de la dire, de tourner autour, résonne avec le rythme immémorial des très vieux Grecs, quand ils essayaient d’inventer la démocratie, la justice et le théâtre qui va avec.
Elle raconte l’histoire de ce criminel ordinaire avec les yeux de la déesse Athéna, les bras d’une pythie hallucinée, la voix d’une femme qui s’y connaît en vies cassées à réparer, en destins brisés à jamais, violences irrécupérables et sources de vengeances sans fin. (…) Le chant du théâtre, en ses multiples voix, dit des choses très simples, qui forent très loin, en des zones de l’âme que les mots de la justice ne pourront jamais rendre, on le redoute. Celle du théâtre, justice d’un autre monde, donne à entendre toutes les paroles qui ne se diront pas lors du procès. Fin du spectacle. Place au tribunal. // Bruno Tackels
S’inspirant d’un fait divers à l’horreur très ordinaire, Nadia Xerri-L. a écrit et met en scène une fascinante tragédie chorale où la justesse de l’interprétation s’accorde à celle de la langue.
(…) Rétif au naturalisme et au pathos, le texte réussit le tour de force de signifier l’universel tragique contenu dans ce drame prolétaire. Un adolescent trop sanguin, des parents dévoués s’abîmant à la tâche pour offrir le meilleur à leurs enfants, un petit frère adoré qui admire son aîné relégué en maison de correction : tous les indices sociologiques sont là qui expliquent mais pas un seul n’excuse puisque, face à la famille de l’assassin, se tient le frère de la victime qui ne peut pas admettre que le destin lui impose désormais de survivre sans son jumeau.
Equilibre entre incarnation et abstraction, les comédiens, tous également précis et justes dans leurs rôles, les interprètent avec la retenue et la dignité qui siéent aux figures tragiques. La mise en scène, les costumes et le jeu se retiennent également de tout misérabilisme, et l’assassin, répétant sans qu’on l’entende vraiment « ce n’est pas mon histoire », a tout d’un Œdipe soumis aux rudes lois d’une nécessité qui le fait être ce qu’il ne peut pas ne pas être. La scénographie, remarquablement éclairée par Manuel Desfeux, dessine un prétoire en amphithéâtre au milieu duquel tous apparaissent également victimes, qu’ils accusent ou défendent, reprochent ou supplient. Sensible sans sensiblerie, vrai sans souci de véracité, abstrait et formel et pourtant terriblement réaliste, le spectacle imaginé par Nadia Xerri-L. réussit remarquablement à tenir le paradoxe de toute représentation : dire les choses hors de leur présence en les faisant apparaître plus vraies que réelles, dans une intensité qui transcende leur authenticité. // Catherine Robert
« Couteau de nuit » : tranchant réquisitoire
Créée hier soir à l'Atelier de la Comédie, la pièce « Couteau de nuit » se déroule pendant les trois minutes précédant un procès. (…) Les comédiens interviennent à tour de rôle, comme le chœur d'une tragédie grecque commentant l'action, en brossant par petites touches le portrait du meurtrier mais également de tous les protagonistes de cette histoire plus ou moins fautifs ou en rappelant les péripéties de la soirée qui va aboutir au drame. Leur jeu frontal, face au public, apporte à l'intrigue une grande solennité confortée par le décor imposant ainsi que par une musique grave qui sonne comme un glas. Une sacrée interprétation.
Auteur d'un texte à fleur de peau, inspiré par un fait divers réel, le metteur en scène Nadia Xerri-L aborde de plein fouet les questions de la culpabilité et de la responsabilité. Mais malgré le décorum qu'elle a installé dans son spectacle, elle ne se montre jamais didactique. La bande musicale austère est, tout d'abord, pervertie par l'introduction de chansons ou d'une partition contemporaine aux accents grinçants. Le contrepoint suscité par cette fantaisie sonore est prolongé par des partis pris scénographiques dont le caractère esthétique tempère l'austérité de son propos. Le choix des couleurs d'abord dans des tonalités grises avant de virer à des teintes rougeoyantes, obéit à cette volonté, comme la disposition des interprètes sur le plateau, qui, éclatés à ses quatre coins, prenant des attitudes différentes, semblent composer un tableau abstrait à l'instar de ces deux têtes qui apparaissent découpées dans le lointain, comme posées sur un élément scénique. Mais la jeune femme a contourné le problème pour mieux le prendre à bras-le-corps. Elle le doit à une interprétation d'ensemble, magistrale de force et d'émotion. Avec « Couteau de nuit », elle signe un tranchant réquisitoire contre le système social qui érige les apparences en sacro-saintes vérités pouvant conduire un innocent sous les barreaux. // Fabrice Littamé