Témoignage de Juliette Maeder
J'ai rencontré Nadia il y a presque 30 ans. Nous avions 16 ans, nous étions en 1ere au lycée Henri IV, et nous rêvions toutes les deux d'un avenir artistique.
Nadia avait déjà une personnalité et une sensibilité marquées. Je me souviens qu'elle arrivait chaque matin enveloppée dans un manteau de Jacques, son père. Un manteau bien trop large aux manches bien trop longues, qu'elle portait comme un bouclier, face à la vie qu'elle trouvait déjà violente. Nadia a très vite souffert de se sentir décalée, différente, comme inadaptée à la société actuelle. Elle trouvait que beaucoup d'êtres humains étaient irresponsables, inconséquents, peu attentionnés. Elle se voulait impeccable et attendait la même chose des autres. Mais l'être humain, par définition n'est pas impeccable mais … humain. Nadia en a beaucoup souffert, pour elle, comme pour les autres.
Nadia aimait la vie en grand, la vie intense, la vie vivante. Elle vivait tout à fond, les joies comme les peines, les plaisirs comme les déceptions. Elle s'intéressait à tout: des poètes les plus subtils aux émissions de télé-réalité les plus basiques. Pourvu qu'il y ait de l'humain.
Elle aimait aimer, être aimée, être émue, être charmée, être surprise et avancer, toujours avancer. Sa vie a été une grande lutte, une quête sans fin vers le toujours plus haut, le toujours plus beau, le toujours plus exigeant. Arrivée sur une marche, son plaisir était de se hisser à la suivante, sans jamais se reposer. Elle était souvent épuisée, souvent épuisante aussi, mais tellement stimulante. Je ne l'ai jamais vu abandonner. Nadia s'est battue toute sa vie, jusqu'au bout et pour tout, avec une rare force, une rare lucidité et une rare intelligence humaine.
Elle cherchait l'intensité. L'intensité, elle l'a finalement trouvée dans l'écriture et la mise en scène. Les moments d'écriture étaient pour elle des moments de bonheur, mais je crois qu'elle aimait par-dessus tout être face à un plateau et chercher des heures entières la justesse d'un geste, d'un ton, d'une lumière, d'un objet…
Mais là aussi, chaque nouvelle création était un nouveau recommencement, des allers-retours entre la jubilation, la déception et l'épuisement. Puis l'épreuve de la confrontation au public… Un nouveau combat.
Et puis il y a eu Ava et le bouleversement de devenir mère. Donner la vie n'a pas été une décision facile pour Nadia, mais une fois qu'Ava est née, la maternité est devenue son autre pôle d'intensité. Regarder Ava grandir a été une fierté et un émerveillement permanent pour Nadia. Une nécessité d'apaisement, aussi.
Je crois que, de nous voir aujourd'hui réunis si nombreux autour d'elle, lui aurait fait un bien immense.
Nadia aimait créer du lien humain, faire se rencontrer les gens. Elle aimait le groupe, les fêtes, l'évidence de certains liens, la légèreté. Elle aimait rire. Elle aimait beaucoup rire.
A présent, chacun d'entre nous va vivre avec "sa" Nadia au fond de lui.
"Ma" Nadia a été et restera pour toujours un pilier de ma vie. Notre amitié a été d'une complicité rare. Et malgré certains désaccords, certaines incompréhensions et mon silence des 3 dernières années, elle restera pour toujours ma meilleure amie. Je sais tout ce que je lui dois.
La rencontrer a été un vrai cadeau de la vie, cadeau que j'aimerais partager aujourd'hui avec Ava, ma filleule.